|
FESTIVAL BLUES SUR SEINE
(78 Les Yvelines). Novembre 2001.
Dimanche 18 novembre
Compte-rendu exclusif d'un animateur de radio Vexin Val de Seine
(96.2 FM) dans Les Yvelynes
par Michel Lesieur
(Photos Christian Toulon, Dr Blues, Mike Lécuyer)
|
|
SUR LES TRACES DE PETIT JEAN
Jaime bien cette ambiance de hall de gare oubliée, lorsque
le vieux tortillard rouillé ne trouble plus la délirante
insouciance des herbes folles
de nêtre compostées.
Heureusement, je suis en tennis, ainsi je traverse aussi discrètement
que possible la salle du piano bar. Je naime pas être remarqué.
Un trou de souris, je veux mon trou de souris !
Pardon !
excusez-moi !
bonjour !
des guitares, des
cymbales, des bras chargés dobjets aussi différents
que mystérieux sillonnent mon espace visuel, comme une nuée
détoiles filantes un soir dété.
Je suis surpris, à moins dune heure de début du concert,
la lumière diluée des spots multicolores ne phosphorise
pas une fourmilière en ébullition, mais la place municipale
de Trifouillis les Gargouillettes un dimanche après-midi.
Ca y est ! Jai trouvé mes oubliettes ! ! !
Bien planqué derrière le bar, presque aussi haut que mon
auguste grandeur, je suis chébran sur la console de sonorisation.
Sympa le mec Sylvain, le magicien sonorifique de cette grande messe bluesicophonique.
Mais je me demande tout de même si la plus grosse concentration
dénergie est dans son âme où son pupitre.
Trois accords, un ballet de lumières et la cacophonie publicale
sestompe doucement, me laissant pénétrer pour la première
fois dans cette forêt de légende. Je suis ému.
Comme dans un conte remasterisé, hors des limites des décibels
hybrides et corrosives du roi « audimat » « Petit Jean
» nous accueille dans son havre de « Sherblues ».
ET QUE COMMENCE LA MAGIE ! ! !
Un silhouette massive, un bob directement posé sur les épaules
et quinze doigts griffant langoureusement la folk acoustique pour en extraire
un son dun autre monde. « Dis-moi Maman », « les
étiquettes se collent sur les marchandises « mais surtout
» cest dommage mais j taime pas » nous assènent
une gifle magistrale gantée de satin. En effet, ce surprenant Patrice
Boudot Lamot en irradiant notre espace émotionnel de ce
blues 200 % français nous fait douter que la Louisiane ne soit
une colonie franchouillarde.
OK Patrice, « néteins pas la lumière »
et même si « j pique ma crise » oh ! merci reviens
nous encore
encore
encore ! ! ! même si ce nest
que pour «un dernier blues en mi » ! ! !
|
Un faux air de
Coluche, quelques jeux de mots sortis de lindéfrisable boite
à neurones, et notre Monsieur Loyal de la soirée, professeur
Mike Lécuyer propulse sur scène les petits « chats bottés
de Lozère, le groupe Jeff Toto Blues.
Comme dans un défilé de haute couture, Jeff passe en revue
tous les costumes dinfluence que le blues peut revêtir. Ainsi,
du blues rock à la soul qui nen finit pas den finir (qui
avait planqué le commutateur off / on ?) nous traversons les prairies
enfumées du « blues reggae » pour atterrir enfin sur
le territoire du « rock à Billy » à bord dun
subtil « ny va pas Frankie cest pas bon »
ouf ! ! !
Jen étais là de mes déconophonies musicophobes,
quand Merlin Lécuyer, dun seul coup dun seul de son micro
magique fit disparaître de scène Jeff Toto. Mouvement de scène,
on sinstalle, on gratouille,
« le bar est ouvert ! !
» et
« non de dlà !
une nana à
la batterie ! »
Trois garçons, une fille, des gestes lents, assurés, regards
brillants, chauds comme leur accent, simple, naturel, VRAIS ! !
Mathiss Mathematical Blues !
Cest marrant, on a limpression que les gens pressentent les
grands événements, au moment où ils samorcent
comme lorage ou léruption volcanique. ICI CEST
PIRE ! ! !
Acoustique guitare, assis seul au centre de la scène, laccent
de Mathis se fait oublier dans la langue de Shakerpeare. Dès les
premières secondes, le temps sest retiré dans la salle.
Où est-on ? au C.A.C. Georges Brassens où au Musée
Grévin ? Le public nest que statues de cire retenant leur souffle.
Une larme séchappe de mon il droit, suivi dune
autre. Merde ! personne ne ma vu ?
bon ! ça va !
« Spoonful » résonne comme une étincelle dans
une mine de charbon, puissante et si fragile dans un solo. BOOM ! ! ! !
Blues sur Seine nest plus, C.A.C. Bayou la emporté plus
sûrement quEl Nino
« interactive blues », « Crash on you », «
Cajun» pénètrent en nous, comme le frisson glacial de
la brume matinale sur le delta. Lorsque la musique originelle, pure, limpide,
divine dans son fondamentalisme et pourtant si profane dans sa conception
désire faire un retour dans ses racines de baobab et de coton, elle
ne peut le faire sans laide de demi dieux. Hé oui cher monsieur
et très chaire madame, vous avez bien lu, ce fameux « Mathiss
Mathematical Blues » nest pas un groupe, mais un encensoir à
émotions, et la flèche de « Petit Jean » toujours
à la recherche de la perfection na dégale que
celle dApollon, tant quelle nest pas pointée sur
moi ! ! ! |
|
|
Vingt minutes plus loin, le public agréable ne sy trompe
pas, et propulse nos petits Nîmois le long de la corde pour le sprint
final.
« Test 3
test 3
testheuuuuu 3
désarçonné
par la précédente prestation, notre cher Mike pédale
à fond pour enrouler ses rimes. 3 Allez mec ! en chaîne le
Anquetil blues Band venu de la lointaine
Normandie !
« Thank you mister blues » « a men a blues » de
leur propre composition nous entraînent dans un blues-rock normand.
Finissant sa prestation en revisitant la famille King, B.B. et Freddy,
Thierry et sa bande nous ont agréablement promené dans la
chlorophylle salvatrice dun bon vieux revival. Merci les ptits
loups ! mais attention car juste derrière vous le «petit
chat » de Mr Tchang & Easy Money,
tout aussi redoutable carnassier de la scène bluesy sort déjà
ses griffes. Même sil trouve que « ce nest pas
juste » le slide sporadique et chahuteur de Mr Tchang ondule câlinement
en ombres chinoises sur le velours du clavier dun lover boy ronronnant.
Une expérience scénique qui nest plus à démontrer,
la subtilité originelle des paroles, qui ne laisse pas indifférent
(même ceux qui nont rien compris), on reverra souvent ce groupe
sympa sur les scènes de Navarre et dailleurs.
Horreur ! fuyant le devant de scène où sévit à
nouveau le cosmo-blues de linternet, dont même sa caméra
a censuré le génocide rabelaisien, la horde décibellisée
de « Petit Jean » se rue sur moi, les biftons acérés
à bout de bras.
Prestement, je plie mes genoux et tente dintégrer mon corps
boursouflé damertumes indigestes dans la matière poreuse
du support de bar. Je nose même pas me retourner, car, derrière
moi, assis sur le rebord du lavabo, lovés dans leur constellation
de velours, deux émeraudes aux prismes de lumière jettent
sur moi toute la puissance de leur vie à létat pur.
|
Quelques décalitres de Cerboise mousseuse et dédulcorant
cocacolarisés plus tard, comme un crépuscule au fond de
la jungle, les croassements rotaradant de la faune bluesauvore sestompent
et, tel le dernier barrissement de léléphant à
la porte du cimetière
(qui a dit Shmoll ?)
le feulement
pathétique dun harmonica entame sa complainte.
« Eh ! toi ! », « jveux rester tranquille »,
Cadijo, dont lintrépidité de cette société
sub_chiraquiène a englouti le reste de la formation soffre
en sacrifice, seul au centre de cette arène romanomantaise.
Dans le silence religieux quimpose nécessairement ce Vaudeville
harmonicéen, de « Big Walter » à « Coco
blues » en passant par le «blues de Cadijo», tel le
célébrissime « Iam a poor alone man », celui-ci
métamorphose notre réalité sensorielle.
Les yeux fermés, nous pouvons sentir la poussière docre
rouge venir fouetter notre visage pâle, imprégnant avec elle
ce doux fumet de haricots braisés. Je me souviens, jétais
boy-scout au coin du feu, ma main caressent les étoiles et laccent
chromatique de la nuit qui finit par sendormir sur « un sacré
Ptit Bout de Femme » (dédié à sa fille)
Ha !
bravo et merci Cadijo pour cette fugue dans lantre de
notre jouvence juvénile !
Bon ! la lumière revient, et avec elle, lami Mike, qui précédemment
jouait à « saute moutons » avec les membres du jury.
« Hé oui ! faudrait pt être pas oublier
que lon est tout de même à la finale du tremplin blues
de Mantes Yvelines année 2001 !
menfin ! ! !
Réanimant le feu sacré du blues boogie, The
Bloosers alternant des morceaux de leur propre composition ("
I got a feeling") avec des standards du répertoire doutre
atlantique ("bad whisky", "case closed") ; traversent
leur espace musicale à la manière des trucks américains.
Puissants, imperturbables dans une chevauchée linéaire ou
le réajustement dun blues rock nest que caresse de
volant. Y a-t-il un maraton man dans la salle ?
|
photo Dr Blues
|
|
Dehors, la nuit est tombée,
les lumignons des Bloosers se sont estompés dans linfini, et
sur scène, Gabriel, Mike, Frédéric et Denis accueillent
en leur sein une nouvelle cahnteuse, Régine. Et maintenant mesdames
et messieurs, je vous demande daccueillir le
M.G. Blues Band !
Tout doucement, le slide métallisé de lenvoûtante
guitare ondule dans lespace, comme lécho dune goutte
deau tombée au fond dune marre souterraine et pénètre
la «Sweet little angel». Sa complainte semble résonner
à linfini en spasmes inégaux, heurtant les parois, cherchant
son chemin pour parvenir jusquà nos oreilles en un frisson
indéfinissable.
Caresse du sirocco sur un sexe en jouissance, la voix envoûtante de
Mike, le bassiste-chanteur, suspendue aux spasmes des notes écartelées
nous titille le subliminal jusquau plus profond de notre émoi
vaginal.
Fin du premier morceau, je reste sur mon nuage. Une composition, Régine
entre en scène. « Aie ! merde ça fait mal !
la
prochaine fois je garde mon coussin, comme à la patinoire !
«Red hot time» cest un véritable caviar,
à la sauce ketchup ! ! ! ! ! ils nous distillent ensuite un blues
label authentique, puisant linspiration entre la sonorité pontificale
dun B.B. Coleman et la profondeur intersidérale dun Clarence
Gatemouth Brown.
Quoi quil en fut, M.G. Blues Band termine en beauté, ou presque
cette copieuse après-midi, puisque le buf que nous offre ensuite
lensemble des zicos est en soi un pur chef duvre avec
Mr Tchang, Cadijo et Bloosers. |
Une fois de plus, Petit Jean nous a proposé un menu de roi,
même sil est vrai que lémergence des groupes
vainqueurs (Bloosers catégorie électrique et Mathiss
Mathematical Blues catégorie acoustique) avaient une place logique
dans cette finale, en compétition avec des formations sélectionnées
elles par un espace temps réduit à la sélection.
Blues sur Seine sachève, Petit Jean va rejoindre ses pairs
au royaume des enchanteurs, la fée Carabosse reprend possession
de son armée de fantômes raptisés et moi je retourne
mallonger dans mon cimetière, avec tous mes enregistrements
dans ma boîte de Pandore !
Il est bien ton Tremplin Petit Jean, mais tu peux pas le faire un peu
plus long,
dis !
Michel Lesieur
|
|